OCDS - Ordre des Carmes Déchaux Séculier

Tout ce qui se fait de bien dans l'Eglise se fait
par le secret mouvement des âmes priantes répandues par toute la terre
par le secret mouvement des âmes priantes répandues par toute la terre
Edith Stein
Edith, une enfant juive (1891-1913)

Alors qu’elle n’a pas deux mois, son père meurt d’une insolation. Sa mère, Augusta, "une vraie mère juive", reprend le commerce de bois de son mari, tout en s'occupant de ses enfants. Edith se souvient : Nous voyions notre mère travailler du soir au matin, et par conséquent, nous trouvions normal de n'exprimer que des désirs modestes. Elle gardera toute sa vie cette simplicité et cette modestie de son enfance.
Edith reçoit une éducation stricte et exigeante, non dénuée toutefois de chaleur et d'amour. Au contact de ses aînées, la benjamine développe sa mémoire et laisse percevoir une grande intelligence.
Pour ses six ans, elle demande comme cadeau d'anniversaire de pouvoir aller à l'école. Là, de grands horizons s'ouvrent devant elle, elle a soif de connaître, de comprendre… Là aussi elle expérimente l'injustice du fait même de son appartenance au peuple juif. Malgré tous ses efforts, elle ne peut jamais atteindre la première place, ni même recevoir un prix à cause de l'antisémitisme du directeur.
Elle est marquée, à l'âge de dix ans, par les suicides successifs de deux de ses oncles et ne semble pas trouver le réconfort de la foi, ni l'espérance nécessaire pour vivre cette épreuve. Quelques années plus tard, elle écrit : « J'ai perdu la foi de mon enfance et j'ai cessé de prier en toute conscience et de façon délibérée ». Elle n'en continue pas moins de chercher le sens de la vie. « Ma seule prière était ma soif de vérité ». Elle découvre alors les Recherches Logiques, d'Edmund Husserl, père de la phénoménologie.
Docteur Stein : la philosophe ( 1913-1922)

Elle prépare sa thèse de doctorat. Durant son élaboration, elle a été confrontée à ses limites. « Peu à peu je m'enfonçais dans un véritable désespoir. Je ne pouvais plus traverser la route sans souhaiter qu'une voiture m'écrasât. Lors des excursions, une seule idée me hantait : disparaître dans l'abîme, c'en serait fini de ma vie. ». L'accueil d'Adolph et d'Anna Reinach lui permet de traverser la crise : « Après les visites chez les Reinach, j'étais née à une vie nouvelle ».
Peu à peu, Edith découvre divers témoignages de foi tels que la prière en commun chez les fermiers catholiques, l'étude des scolastiques médiévaux et celle du "Pater" en vieil allemand.

Quelques semaines plus tard, elle soutient son doctorat à Fribourg en Brisgau et obtient son diplôme d'état avec la mention "summa cum laude". Ce sera le seul doctorat en philosophie accordé à une femme cette année-là : elle devient l'assistante de Husserl.
En 1917, Adolph Reinach, l'ami d'Edith, meurt au front. Edith est chargée d'aider la veuve à classer les papiers du défunt. Edith craint cette visite… Devant l'attitude d'Anna, l'inattendu se produit : « Ce fut ma première rencontre avec la Croix, avec la force divine qu'elle donne à ceux qui la portent. Je vis pour la première fois l'Église née de la souffrance rédemptrice du Christ dans sa victoire sur l'aiguillon de la mort, visible devant moi. Ce fut l'instant où mon incroyance s'effondra, où mon judaïsme pâlit et le Christ étincela : le Christ dans la lumière de la Croix. » C'est le moment décisif où Edith découvre la force de vie que le Christ Jésus offre par sa Croix. Les Reinach avaient été baptisés quelques mois auparavant : A partir de cet instant, Edith devient chrétienne de cœur.

Thérèse-Edith, la chrétienne enseignante (1922-1933)
Le 1er janvier 1922, en la fête de la Circoncision, Edith Stein, venue du judaïsme, reçoit le Baptême dans l'Église catholique avec une marraine protestante, Hedwig Conrad-Martius. Belle préfiguration de l'unité du peuple de Dieu.
Elle annonce la nouvelle à sa "vraie mère juive"… Au lieu des reproches et des cris, seules les larmes coulent. En devenant chrétienne, Edith reste profondément membre de son peuple : « Vous ne pouvez pas comprendre ce que signifie pour moi d'être fille du peuple élu, d'appartenir au Christ non seulement par des liens spirituels, mais aussi par le sang. »
Edith songe à entrer au Carmel, mais son directeur spirituel l'incite à poursuivre ses recherches philosophiques. Elle traduit saint Thomas d'Aquin et J.H. Newman tout en enseignant chez les Dominicaines de Spire. Elle marque les élèves par son silence et par son sens de la justice. Elles découvrent émerveillées « le mystère, la splendeur cachée d'une vie transformée par la foi, [...] une foi profonde parfaitement harmonisée avec une attitude de vie. » Dès son baptême, Edith vit de l'Eucharistie quotidienne ; là est sa force. « Une vie de femme pour laquelle l'amour divin doit devenir une réalité intérieure devra être une vie eucharistique ». Cette vie eucharistique entraîne Edith dans le mystère de la Rédemption. « Vivre de l'Eucharistie signifie sortir insensiblement de l'étroitesse de sa propre vie pour naître à l'immensité de la vie du Christ. »

Durant les longs moments de prière silencieuse, au pied du tabernacle, elle est entrée dans l'épaisseur du mystère de la Croix. Désormais, elle sait que « c'est la Croix du Christ qui est posée sur le peuple juif » et elle poursuit : « Ceux qui le comprenaient devaient, au nom de tous, la prendre sur eux. C'est ce que je voulais faire. »
Elle a alors une triple réaction : elle écrit au pape Pie XI pour lui demander d'écrire une encyclique qui condamne l'antisémitisme ; elle écrit les souvenirs de sa famille, La vie d'une famille juive, « car ceux qui ont grandi dans le judaïsme ont le devoir de rendre témoignage » ; elle décide enfin d'entrer au Carmel, « voilà douze ans que j'y pensais « .
Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, la Carmélite (1933-1942)
Son entrée au carmel n'est pas une fuite, mais une réponse mystique. Elle reste solidaire de son peuple : « Celui qui entre au Carmel n'est pas perdu pour les siens, il est gagné, car c'est notre vocation de nous tenir devant Dieu pour tous. ». Elle écrira plus tard : « J'ai confiance que c'est pour tous que le Seigneur a pris ma vie. Je pense souvent à la reine Esther choisie en son peuple pour le représenter devant le roi. Je suis une Esther bien pauvre et impuissante, mais le Roi qui m'a choisie est infiniment grand et miséricordieux. »

En entrant elle déclare : « Ce ne sont pas les achèvements humains qui peuvent nous venir en aide mais la Passion du Christ, mon désir est d'y prendre part »
Paroles étonnantes et fortes qui révèlent une attitude de vie née d'un regard de foi sur l'acte dans lequel se révèle l'amour rédempteur de Dieu pour tout homme : le don que Jésus fait de Lui-même sur la Croix. Peu à peu Thérèse "bénie de la Croix" entre dans une "science" de la Croix.
Le 21 avril 1935, jour de sa profession simple, elle se sent « comme l'épouse de l'Agneau ». Lors de la rénovation de ses vœux, le 14 septembre 1936, elle ressent la présence de sa mère à ses côtés. Elle apprend quelques jours plus tard que sa mère est morte à ce moment là.
Après le déchaînement de violences de la "Nuit de Cristal", le 9 novembre 1938, elle écrit à une amie : « Aujourd'hui je comprends beaucoup mieux ce que signifie être l'épouse de l'Agneau sous le signe de la Croix. Mais on ne pourra jamais comprendre cela à fond car c'est un mystère. »
Devant la menace grandissante, Thérèse-Bénédicte ne veut pas faire courir de risque à sa communauté ; elle part au Carmel d'Echt (Pays-Bas). Thérèse-Bénédicte de la Croix décide de s'offrir au Christ dans le mystère de la Croix « pour tous », juifs et chrétiens.

Le 9 juin 1939, elle achève son testament par ces mots : « Je demande au Seigneur qu'Il accepte ma vie et ma mort, pour qu'Il soit reconnu par les siens (...) pour tous ceux que le Seigneur m'a donnés, qu'aucun d'eux ne se perde ». Mais bientôt, l'ogre nazi qui gangrène l'Europe va la rejoindre. Elle cherche à obtenir un visa pour la Suisse, mais après une lettre de l'épiscopat hollandais dénonçant les déportations et les exactions des nazis, plus de 300 religieux et religieuses d'origine juive sont arrêtés. Le 2 août, la Gestapo s'empare de sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Tout va très vite. D'abord le camp de Westerbork, puis les wagons du train qui part vers L'Est.


Femme, Juive, Philosophe, Éducatrice, Carmélite, martyre... Par sa vie et ses écrits, Edith Stein a beaucoup à nous dire. A nous de l'écouter.